Ah ! La belle vie !

—Auteur inconnu

Un homme d’affaires américain de passage au Mexique se promenait sur la jetée d’un petit port de pêche, lorsqu’une modeste embarcation accosta. À bord il n’y avait qu’un seul pêcheur. L’Américain, impressionné par la taille des thons qu’il avait pris, le complimenta sur la qualité de sa pêche et lui demanda combien de temps il avait mis pour les attraper.

— Oh, pas très longtemps, répliqua le pêcheur !

    L’Américain lui demanda alors pourquoi il n’était pas resté plus longtemps pour attraper plus de poissons. Le pêcheur répondit qu’il en avait pêché suffisamment pour nourrir sa famille. L’Américain poursuivit :

— Mais alors, que faites-vous le reste du temps ?

— Oh, je fais la grasse matinée, je pêche un peu, je joue avec mes enfants, je fais la siesta avec Maria, ma femme. Et le soir venu, je me promène dans le village, je me bois un petit verre de vin, et je joue de la guitare avec mes amigos. Vous savez señor, j’ai une vie bien remplie !

L’Américain répartit d’un air moqueur :

— Je suis diplômé d’Harvard, et je vais vous donner un bon conseil : vous devriez passer plus de temps à pêcher ! Avec la recette de votre pêche, vous pourriez acheter un bateau plus grand. Ensuite, avec vos nouveaux profits, vous pourriez acheter plusieurs bateaux. Et, au bout du compte, vous pourriez acquérir toute une flotte de bateaux de pêche. Et là, au lieu de vendre à l’intermédiaire, vous pourriez vendre directement à un industriel, ou même monter votre propre usine de conserves. Vous pourriez contrôler toute la chaîne : la production, la transformation et la distribution de votre produit. Il vous faudra quitter votre petit village pour aller habiter à Mexico city, puis à Los Angeles, et finalement à New York d’où vous pourrez diriger votre entreprise florissante.

    Le pêcheur réfléchit un instant et lui demanda :

— Et combien de temps tout cela prendra-t-il, señor ?

— Oh, quinze ou vingt ans.

— Et ensuite, señor ?

— Alors là, tenez vous bien ! fit l’Américain en riant. Au moment opportun, vous vendrez toutes les actions de votre société et vous deviendrez très riche. Vous gagnerez des millions.

— Des millions, señor ? Et ensuite ?

— Ensuite, poursuivit l’Américain, vous pourrez prendre votre retraite et vous installer dans un petit port de pêche, sur la côte. Là, vous pourrez faire la grasse matinée, pêcher un petit peu, jouer avec vos petits-enfants, faire la siesta avec votre femme Maria, et le soir venu, vous vous promènerez dans le village et vous irez boire un petit verre de vin et jouer de la guitare avec vos amigos.”